Karel Achmoud

En Ailes Blanches



J'ai bu tes mains en ailes blanches,
Et respiré l'automne épris de tes cheveux ;
Lors je tombe toujours, fractales avalanches,
Dans le maelström de tes yeux
Grands ouverts comme mille portes.
J'ai dormi sous la lune, dans ton regard d'ange,
Et mon coeur s'est bercé au chant que tu m'apportes -
Ta voix, mon attracteur étrange.
Inassouvi et tendre, enfin,
Langoureux et résolu... la nuit aida ma fuite
Mais je restai, yeux clos, à deviner sans fin
Ta courbe frêle aux fins sans suite...
Là, fragile, amoureux, ensemble,
Je glissai d'un désordre jusqu'au chant des trembles
Et frôlai ton visage, ange qui me ressemble -
Tu vois, je sais bien que tu trembles.
Je ne sais rien de tes amours,
J'ai oublié des miennes les noms et les signes ;
Si je ne comprends rien au charme de ces jours,
Je puis te décrire les lignes
Qui rapprocheront nos toujours.


J'ose goûter l'ombre d'un souvenir



j'ose goûter l'ombre d'un souvenir
l'espace d'un espoir l'espace d'un instant
et quand ma vie s'espace espace dans le temps
je goûte aux sombres joies
ombres de souvenirs de déboires instant
de précaire seconde en envol de colombe
dans l'épure d'un soir où s'ébauche l'aronde
la courbe inachevée de l'azur qui s'embrase
dessein secret songe muet
la colombe s'abouche au réveil de ses songes
au réveil de ses sens dans une ivresse lente
je t'aime et ce mot tombe comme une caresse
je reconnais ce lien que forme la tendresse
entre nos tous deux mondes



Lisa



Il me souvient des jours où je n'ai pas compté
Mon bonheur partagé aux minutes qui tombent ;
C'était l'hiver et l'automne à Paris. Incombent
Aux astres souverains l'oubli, la volupté.

Il me souvient d'un regard bleu. Là où la mer
Comme les cieux de Mer d'Iroise ; un Canada
Où l'azur prête aux blanches glaces l'armada
De pôles chatoyants sur l'océan amer...

Il me souvient d'un grand sourire où la blancheur
Du lait, la franchise du sucre, le doux vivre
Etait calme et bonté : un pays qui délivre
Des tonnes de baisers, des arches de fraîcheur.

Il me souvient de cette blonde. Aubes. Dimanches.
Des pubs. Des pintes et désordres. Où chaque
Soir où l'on sortait donnait pleinement chaque
Instant à vivre plus encore. Avec ces franches

Virées dans la nuit froide...

Puis vint cette aube froide où je sus qu'elle allait
S'en retourner là où les dieux sont plus près d'elle
Pour retrouver auprès des landes éternelles
L'arbre serein et la douceur immaculée...

Orphelin de je ne sais quoi, je suis depuis
Un peu perdu dans la Cité Lumière ;
Et s'il convient pour moi d'être sombre et sincère,
Je te convie un jour près de l'arbre et du puits

Où nous deviserons, parlant de l'eau de pluie,
comme font les amis.