M-C Escalier (Mariechristine)
Identificateur : Mariechristine
Inscrit: 12-2003
| | Envoyé dimanche 26 septembre 2004 - 16h54: | |
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Le monde tourne tourne tourne comme une toupie et je tourne avec lui farouchement sur place pour ne pas déboîter, de peur que la force centrifuge ne m’éjecte de l’autre côté de la vie. Farouchement je me cramponne à la barre des mots anodins, des humeurs du printemps, aux agrès des gestes reproduits. Et je note minutieusement à chaque tour les indices du retour. L’éclaboussement vert. Les trouées de lumière sur le front des désordres. Les regards au plein centre qui s’échevelle. Je consigne avec soin les réapparitions, espérant assourdir l’harmonie ascendante de mes désarrois. N’aurais-je donc que ma langue comme ultime parade à ma dislocation ?
Un mot, puis un, devant l’autre. La démarche des lèvres est parfois hésitante. Il faut alors régler un à un tous les muscles faciaux et les coordonner au regard, aux gestes de la main, à la courbure du dos. En ces temps-là, la langue est trop épaisse, trop large pour la bouche et la saveur du sens. Les idiotismes eux-mêmes font défaut. Comment dit-on déjà ? "Mettre", oui "mettre du temps à..." Du temps à quoi ? Tout se dilue dans le brouillard des mots à ne rien dire, dans le grand terrain vague des mots à taire. Comme s’il fallait tout réapprendre. Jusqu’aux réflexes naturels, adapter la température, contrôler la respiration, les excrétions, pour enfin trouver le chemin d’une parole. Ou d’un cri.
J’ai toujours espéré trouver une forme. La forme d’une carie ou d’un croissant de lune, peu importe. Une forme à vêtir l’indicible qui conjugue ce nous quelque part comme une grande tache rouge au fond de la rétine. La forme de l’espèce ! Quel orgueil, moi qui ne sais parler sans peine avec mes commensaux. Et pourtant ce désir dérisoire est bien le seul joyau que je transporte, comme l’ouvrière la perle de miellat pour subvenir aux besoins de sa Reine.
Le délié d’un mot comme un cil, barque solaire flottant d’une rive à l’autre du sens. Je l’attrape et le relance et il sillonne lentement vers d’autres résonances. Le délié d’un mot comme les arabesques d’un palais mauresque et sa dentelle file sous l’arche des siècles, ocre défi au Temps. Le délié des mots entre architecture ineffable et soie chaude d’un chat qui sommeille, la fontanelle ne s’est pas encore refermée.
C’est une odeur de soleil du haut du mât qui tintinnabule. Un horizon océanique dans les replis pélagiques du regard. Comme un sillage tressé dans le ciel qui se perd en hauteur. Et je me sens éclore à chaque pouce de mon corps dans la beauté profuse d’un mouvement de fuite.
J’aime j’aime j’aime le feulement du vent la succion de la mer la lame de lumière, j’aime là-haut le vol immobile qui décuple l’espace, j’aime l’ici perdu dans la saveur du ciel. Ô j’aime j’aime tant être partie de tout cela et tant et tant les mots qui me le disent.
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